Univers & Cosmogonie

  Mythe, pensée et rituel

Selon une des versions, simplifiée, de la cosmogonie, Amma, dieu suprême, créa la terre et en fit son épouse. Une termitière, clitoris de la terre, se dressa en rivale du sexe mâle, et Amma dut l’abattre. Un fils unique naquit, Yurugu ou le Renard pâle. La terre excisée fut plus docile à son époux et mit au monde le Nommo, à la fois mâle et femelle, couple idéal, maître de l’eau et de la parole.

Le Renard pâle, unique et donc imparfait, principe de désordre, commit l’inceste avec sa mère parce qu’il ne trouvait pas de compagne, et c’est alors qu’apparut le sang menstruel, impur parce que signe de stérilité. Errant sans cesse à la recherche d’une épouse, il ne connaît que la première parole, celle qu’il révèle aux devins.

Amma façonna avec de l’argile un couple humain, qui devait donner naissance aux huit ancêtres. Nommo leur enseigna la parole, liée à l’humidité , ainsi qu’au tissage car elle est faite de questions et de réponses entrelacées.

La mythologie explique donc, outre l’origine du monde, le fondement des coutumes, comme l’excision des filles et la réclusion des femmes réglées. Mais il apparaît que le mythe est, lui-même, symbole de convictions plus profondes. Ainsi la dualité mâle-femelle, nécessaire à la vie, est source de conflit jusqu’au cœur même de chaque individu. C’est pourquoi un garçon ne devient pleinement homme qu’à la circoncision, qui le débarrasse de son principe féminin. L’opposition, celle du Nommo idéal et du Renard maudit, est elle aussi complémentaire, puisque le Renard est l’inspirateur des devins que chacun consulte dans les moments difficiles. Il n’y a donc pas de mal absolu, mais rupture d’un équilibre, ou violation, volontaire ou non, d’un interdit, qu’un rituel approprié compensera.

La parole est support et véhicule de la force vitale, qui doit être entretenue par le culte; de même, les principes spirituels des défunts, libérés au moment de la mort, sont recueillis et redistribués par le moyen des cérémonies funéraires, exécutées par les masques.

Dieu d’eau, dialogue avec Ogotemmêli

 Pendant trente-trois jours. Marcel Griaule. Ethnologue français, le seul étranger à avoir eu le privilège d’être initié dans les années trente à tous les rites Dogon , a dialogué avec Ogotemmêli. Chasseur rendu aveugle par l’explosion de son fusil. Ce témoin cas unique dans les annales de l’ethnologie. Il a été restitué dans l’admirable ouvrage de Griaule Dieu d’eau. Auquel ce chapitre doit beaucoup.

"Fils d’Amma et de la Terre. les Nommo sont les intermédiaires entre ici-bas et les cieux. Les Nommo commencèrent par vêtir la Terre. Ils apportèrent du ciel des fibres qui n’existaient qu’au pays d’Amma et, avec leurs doigts, en torsadèrent dix poignées pour qu’elles forment des sortes d’hélices symbolisant 1’eau, le serpent et les spirales du soleil et de la lune. Ils en placèrent cinq devant la Terre et cinq derrière. Il est à noter que cette jupe de fibres ondulantes fait actuellement partie du costume des danseurs des masques....

...Marcel Griaule a appris de Ogotemmêli la manière dont le Nommo créa ce tambour : «  Ecartant les mains, il passa dix fois le fil dans chacun des quatre doigts, le pouce n’étant pas utilisé. Il obtint ainsi dans chaque main quarante boucles qui faisaient quatre-vingt fils, nombre même des dents d’une de ses mâchoires. Ses mains, palmées, figuraient les peaux des extrémités. Symboliquement, frapper sur le tambour, c’est frapper sur les mains du Nommo. Mais que représentent-elles ?  Plaçant les deux paumes en cornet derrière ses oreilles. Ogotemmêli rappela que le génie n’avait pas de pavillons, mais seulement des trous auditifs.  Ses mains lui servent d’oreilles, dit-il. Pour entendre, il les place toujours de chaque côté de la tête. Battre le tambour, c’est battre les mains palmées du Nommo, c’est battre ses oreilles. «  Tenant devant lui le jeu de ficelles qui figurent une trame, le génie, à l’aide de sa langue, fit passer dans les fils une sorte de chaîne sans fin composée d’une mince bande de cuivre. Il la fit tourner en hélice, lui donnant 80 spires : et durant tout ce travail, il parlait, comme il l’avait fait lors de l’enseignement du tissage. » Ce tambour est l’apanage de la chefferie des Arou, et ne sert que dans les grandes occasions...."

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De ce récit imagé. il nous faut surtout retenir l’idée des fautes des humains, génératrices de désordres. et fondement des principaux cultes Dogon: culte du binou, société des masques qui représente le pagne rouge de la terre et les hommes et animaux morts ; culte du sigi où la statue du serpent est investie de la représentation spirituelle du premier mort.

Ainsi s'exprime. brièvement racontée, la genèse mythique du monde Dogon. Il est certain que la logique cartésienne n’y a pas sa place: c'est la transcription de la parole traditionnelle.  Nous allons voir que cette mythologie est commémorée par un certain nombre de rites.  


GRIAULE MARCEL (1898-1956)

Né à Aisy-sur-Armançon (Yonne), ethnologue qui avait une prédilection pour les recherches de terrain, Marcel Griaule effectua de nombreux voyages d’étude en Afrique, notamment en Abyssinie, au Soudan français, au Tchad et en Oubangui-Chari. Il organisa et dirigea, à la tête d’une importante équipe, la mission Dakar-Djibouti (1931-1933), traversée qui permit d’accumuler une très vaste documentation ethnographique. Il fut le précurseur, en France, d’une nouvelle méthode d’enquête fondée en premier lieu sur l’observation exhaustive et continue d’une même population, ensuite sur l’analyse des systèmes de représentations élaborés par celle-ci pour rendre compte de son propre fonctionnement. Il consacra lui-même l’essentiel de ses efforts à l’étude intensive des Dogons des falaises de Bandiagara, dans la boucle du Niger, dont il chercha à restituer méthodiquement la pensée cosmologique et le savoir religieux. Griaule fut titulaire, à partir de 1942, de la première chaire d’ethnologie à la Sorbonne. Il fut conseiller de l’Union française dès la fondation de celle-ci en 1946. Il a publié notamment: Les Flambeurs d’hommes, Paris, 1934; Jeux dogons, Paris, 1938; Masques     dogons, ibid.; Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, Paris, 1948, rééd. 1966; «L’Alliance cathartique», in Africa, vol. XIX, Londres, 1948; «Remarques sur l’oncle utérin au Soudan», in Cahiers internationaux de sociologie, vol. XVI, Paris, 1954; Méthode de l’ethnographie, Paris, 1957; (avec Germaine Dieterlen) Le Renard pâle, t. I, Le Mythe cosmogonique, Paris, 1965 (la création du monde selon les Dogons).

 

  Les Dogon et les astres  

  • La terre est plate, entourée d'eau, le tout encerclé par un serpent qui se mord la queue.
  • La terre fait partie d'un système de 13 autres terres l'une au-dessus de l'autre, le long d'un axe métallique.
  • La terre qu'ils habitent est la 7ème  en partant du bas ; elle tourne sur elle-même et autour du soleil qui tourne aussi sur lui-même.
  • Connaissance des cycles et des mouvements de:
  • §         Jupiter et de son halo  

  • §         Saturne et de ses satellites -de Vénus

  • §         Cyrus et de ses satellites

 

·        Connaissance de nos signes du zodiaque.

  • Par la volonté d'Amma, dieu suprême, l'Arche céleste, pilotée par le Forgeron, s'écrase sur la terre du Renard : les huit Ancêtres, indemnes, fondent l'humanité dogon.  

La création du monde Dogon  

Ils affirment être venus du Mandé, région mythique située à l'est. En fait, ce pays désigne des lieux divers. Selon la genèse Dogon, le premier homme, symbolisé par le serpent Lébé, a donné naissance à deux fils.

o        L'aîné a eu trois descendants mâles: Dyon, Domno et Dno ;

o        Le cadet un seul fils, Arou. Domno est resté au Mandé.

 

Dyon et Ono ont fondé de nombreux villages tandis qu'Arou a créé le site sacré d'Arou près d'Ibi. Les tribus que l'on trouve dans les falaises de Bandiagara proviennent donc toutes de ces trois hommes. Chacune porte le nom de son père respectif.

 

 Ainsi, les Dogon peuvent, grâce à la tradition orale, retrouver le nom du fondateur de leur lignée et reconstituer leur itinéraire depuis le Mandé. C'est cette histoire que l'on retrouve sculptée sur les portes des maisons.  

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